Ederlezi (Velibor Čolić)

Ça fait un petit moment que j’ai pas publié d’articles (plus de 2 semaines, en fait), j’espère que vous m’en voulez pas trop… Le roman dont je vais vous parler est un des candidats du Prix Littéraire de mon lycée, et je pense que peu d’auteurs ont déjà traité le même thème. Sur ce, voici comment commence le roman :

« Je m’appelle Azlan Tchorelo, Azlan Bahtalo et Azlan Baïramovitch et je suis mort ce matin.  […] J’ai prescrit l’ordonnance pour soigner l’âme et j’ai inventé le son du silence à l’heure du Diable. »

Voici la quatrième de couverture, qui résume bien le thème abordé :

« Ederlezi retrace l’histoire, à travers le XXe siècle, d’un fameux orchestre tzigane composé de musiciens virtuoses, buveurs, conteurs invétérés, séducteurs et bagarreurs incorrigibles. Ils colportent leurs blagues paillardes, leurs aphorismes douteux et leurs chansons lacrymogènes de village en village. L’orchestre sombrera dans les grands remous de l’histoire : englouti en 1943 dans un des camps d’extermination où périrent des milliers d’autres Tziganes, il renaîtra pour être de nouveau broyé par la guerre d’ex-Yougoslavie en 1993. Chaque fois, le meneur de l’orchestre, Azlan, semble se réincarner. On le retrouve finalement dans la Jungle de Calais en 2009, parmi les sans-papiers et les traîne-misère qui cherchent un destin aux franges de la modernité. Le roman de Velibor Colic restitue merveilleusement la folie de la musique tzigane, nourrie de mélopées yiddish, de sevdah bosniaque, de fanfares serbes ou autrichiennes, une musique et une écriture pleines d’insolence, au charme sinueux et imprévisible. Les réincarnations successives d’Azlan font vivre avec bonheur la figure du Rom errant éternellement, porté par un vent de musique et d’alcool, chargé des douleurs et des joies d’un peuple comparable à nul autre. »

Et pour finir, quelques citations qui transmettent bien l’atmosphère générale du récit :

« Il y a trois preuves, disait-il, que Jésus était un tzigane. La première : il a transformé l’eau en vin. La deuxième : il n’a jamais vraiment travaillé, il a juste traîné un peu partout. Et enfin, la troisième : s’il a réussi à faire quelque chose, c’était toujours un miracle. »

« Personne n’est assez fou pour préférer la guerre à la paix : dans la paix, les fils ensevelissent leur père ; dans la guerre, les pères détruisent leurs fils. »

« J’ai un frère, le vent, qui court sans jambe et siffle sans bouche. »

« Les enfants disent ce qu’ils font, les hommes ce qu’ils pensent, les vieux ce qu’ils ont vu ou entendu. Danko est un poète et un menteur qui dit toujours la vérité. »

« On pardonne plus volontiers un trou dans le caractère d’un homme que dans ses vêtements. […] La misère ne s’estampille pas seulement sur les vêtements ; elle s’empreint sur la beauté. Cela se mêle au point qu’on pourrait dire que le vêtement devient maigre et le visage pauvre. »

« Nous somme le peuple sans Dieu, sans terre et sans cimetière. »

« Celui dont le visage est sans rayon ne deviendra jamais une étoile. »

Ederlezi

Ederlezi n’est pas un roman à lire d’une traite, sous peine d’y trouver un certain ennui : le déroulement de l’histoire est lent, les événements souvent peu détaillés, et les descriptions de personnages abondent. Non, Ederlezi est un roman à découvrir petit à petit, anecdotes par anecdotes, entre deux heures de cours ou pendant la pause déjeuner.

On suit Azlan à travers ceux qu’il a rencontré, à la manière d’un journaliste qui interviewerait ses proches et les témoins de son passage, et le style d’écriture, oral, poétique et très doux, s’accorde très bien à cette narration à la fois fluide, hachée et légère. Tout n’est pas dit ou expliqué, et il arrive souvent que l’on perde la trace du personnage principal pendant quelques jours, semaines, mois ou années. Azlan est un nomade, un fils du vent et du chant ; il est insaisissable et aérien, ivrogne et poète, mystique et pourtant très humain. Pour toutes ces raisons, il est très difficile de s’y attacher (d’autant plus qu’il est impossible à cerner), mais ce n’est pas vraiment dérangeant. On suit ce chanteur Tzigane et on partage sa vie, ses proches, sa culture, sa musique et ses croyances, un peu comme si on vagabondait dans son histoire. Si je devais décrire Ederlezi en un seul mot, je dirais que c’est un roman très humain.

Ce roman comporte environ 220 pages et est accessible, d’après moi, à partir de la classe de troisième pour les amateurs de récit poétique. Bonne lecture ! 😉

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